Les vraies raisons du bras de fer
Si c'est une stratégie, elle sera difficile à tenir. Quatre jours après avoir affirmé rester à l'OM, Franck Ribery a fait volte-face, annonçant vendredi soir sur TF1 qu'il voulait quitter Marseille. Face à la détermination de son club à le garder, quitte à le faire jouer en CFA2, le joueur et son agent luxembourgeois, Bruno H., ont fait le choix risqué de l'escalade intrépide. Bien sûr, l'OM ne retiendra pas sa perle en cas de faramineuse proposition étrangère. Mais les déclarations du joueur, il y a deux jours, ont soudé les dirigeants marseillais comme jamais, désormais prêts à tout pour que le joueur respecte son contrat, qui court jusqu'en 2010 (il a prolongé à la mi-mars). L'actionnaire majoritaire, RLD, a même affirmé son soutien inconditionnel et sa solidarité à la direction olympienne, engagée sur une "ligne dure".
"Ribery est en train de foutre en l'air sa carrière, assure Thierry de La Brosse, directeur général du club. Cela ne tient qu'à nous de le mettre en réserve jusqu'en 2010. Il veut s'en aller mais n'a pas les clefs. Et on préférera perdre le potentiel de marge qu'il représente plutôt que de le vendre à Lyon."
La rancoeur contre le président lyonnais, JMA, accusé de déstabiliser le joueur et son club depuis des semaines, est à son paroxysme. Marseille envisage d'instruire de façon plus sérieuse encore le litige opposant déjà les deux clubs devant la commission juridique de la Ligue (LFP). Au sein même du club rhodanien, on confie ne pas croire à la venue du joueur. En regrettant à mots couverts les approches trop provocatrices du président durant le Mondial.
A l'étranger, la piste Arsenal s'est compliquée hier. L'Espagnol José Antonio Reyes, un temps annoncé au Real Madrid, a démenti, hier, vouloir quitter les Gunners. Son éventuel départ (pour 15 M€) est une condition de l'arrivée de Ribéry chez le finaliste de la dernière Ligue des Champions. Après le précédent Flamini (arraché à l'OM par Wenger il y a deux ans), Anigo aura du mal à digérer la répétition d'un tel scénario. A moins qu'Arsenal casse sa tirelire, ce qui n'est pas dans les habitudes du club londonien.
Les querelles entre Pape Diouf, le président marseillais, et Bruno H., l'agent du joueur, pourrissent le dossier depuis des semaines. Le Luxembourgeois réclame le versement d'une commission pour avoir "sorti" Ribéry de Galatasaray (un transfert qui fait toujours l'objet d'une enquête de la FIFA) et renégocié son contrat fin mars. A l'OM, on assure que ce litige allait être réglé. Marseille, qui refuse de rétribuer directement l'agent (celui-ci représente le joueur et non le club), s'apprêtait à verser à Ribéry une prime d'un montant équivalent aux honoraires réclamés par Heuderscheid (environ 600.000€). Un pactole qui le joueur aurait ensuite reversé à son agent.
Le joueur semble s'être isolé
Cette option a été remisée au frigo depuis les récentes déclarations de Ribéry. Sa sortie télévisée, soigneusement planifiée, serait liée au refus de l'OM d'accéder à la dernière requête de Bruno H. Arrivé à l'OM avec un salaire de 75000€ nets, Ribéry l'avait multiplié par deux au début du printemps, lors de sa renégociation de contrat. Ces derniers jours, l'OM avait même accepté d'aller jusqu'à 185 000 €. Mais en milieu de semaine, Bruno H serait revenu à la charge, réclamant 300 000€ mensuels pour son joueur. Demande refusée par Diouf. Au delà, Heiderscheid tente un pari : faire une croix sur les honoraires qu'il réclame à Marseille, en misant sur l'énorme commission à prévoir, en cas de transfert du joueur. Mais là encore, sa marge de manoeuvre s'est subitement réduite.
Hier, Heiderscheid a encore rejeté la responsabilité de ce blocage sur le président marseillais. "Depuis fin mai, début juin, j'essaie de rencontrer le préseident de l'OM qui refuse systématiquement toute rencontre",a-t-il déclaré sur RMC Info. L'agent luxembourgeois est au coeur de l'orage. On l'accuse de manipuler son joueur, de trop parler en son nom ou à sa place. Lundi, lors de sa rencontre avec Pape Diouf, Ribéry, de retour à l'entrainement, assuré à son patron n'avoir jamais dit qu'il voulait partir à Lyon. Sur OMTV, il expliquait ensuite : "Pour l'instant, je suis... Pas pour l'instant. Moi, je suis Marseillais, toujours Marseillais." Jusqu'au soir même, sur TF1, où l'ancien Mession affirmait, enfin, à visage découvert, son désir de quitter la cité phocéenne.
Depuis ses déclarations, Ribéry semble s'être isolé, même de sa famille de Boulogne-sur-Mer. "J'ai découvert sa décision à la télévision, raconte son père François. Depuis, j'essaie de l'appeler mais je n'arrive pas à le joindre. C'est sûr, il veut des titres. Et pour évoluer, il faut qu'il quitte Marseille." Son cousin Mathieu Derouette, dont il est très proche, n'avait pas non plus reçu de nouvelles, hier après-midi. "Je lui ai envoyé un texto mais je n'ai pas eu de réponse, explique-t-il. Cela m'étonne. Pour moi, il restait à l'OM. Depuis vendredi soir, tout le monde vient me voir, me pose des questions."
Trop juste pour être aligné cet après-midi, face à Sedan, le milieu international aurait dû faire sa rentrée dimanche prochain, face à Rennes. Ses déclarations sur sa volonté d'évoluer avec des "grands joueurs" ne vont pas faciliter ses rapports avec ses partenaires, même si Diouf, en cas de résolution du conflit, veut croire au "professionnalisme" de ses troupes. Hier matin, il s'est entrainé comme prévu avec la réserve. En quittant la Commanderie, il a signé quelques autographes et s'est fait insulter par quelques supporters. Sa marge de manoeuvre est à présent limitée : ce sera la valise ou les excuses.
Le JDD via Omlive