Zidane : "Nasri m'épate"Publié le lundi 23 avril 2007 à 05H19
Pour "La Provence", l'ancien capitaine des Bleus s'exprime sur le jeune milieu de terrain olympien
"Je suis admiratif quand je vois la saison que Samir est en train d'accomplir, d'autant qu'il est encore très jeune. Réaliser ce qu'il fait, c'est énorme!", juge Zinedine Zidane.
© PATRICK GHERDOUSSI
Samir Nasri ne reçoit visiblement pas un trophée pour le poser simplement sur une étagère; il fait surtout en sorte de lui donner un prolongement. Après s'être vu remettre la distinction accordée au meilleur joueur de L1 du mois de mars samedi, il a continué à faire ce qu'il réussit depuis plusieurs mois maintenant: un match plein, souvent étincelant. Au-delà de ses qualités techniques, le jeune olympien enchante, justement, par sa constance.
Autre Marseillais, Zinedine Zidane observe la progression de son cadet avec attention. Le Ballon d'Or 1998 a accepté de livrer son sentiment sur Nasri.
Comme vous, Samir Nasri est originaire des quartiers Nord de Marseille. Est-ce que cela vous rapproche tout particulièrement de lui ?
Zinédine Zidane : Oui, sans aucun doute. Au fond de moi, ça me fait quelque chose. Il y a un lien naturel qui se crée et en plus, il joue à l'OM, le club de notre ville. Sa réussite me ravit au plus haut point.
On aurait vite fait de dire qu'il est votre héritier en quelque sorte et qu'il prend aujourd'hui votre relais...
Z. Z : Il ne prend pas le relais. Ce serait trop réducteur pour lui. Samir, il fait du Nasri, comme moi, j'ai fait du Zidane. Chacun a sa vie, sa trajectoire. J'ai mené ma carrière professionnelle ; Samir conduit la sienne. Il n'y a aucune comparaison à établir entre
nous deux. De toute façon, à voir comment il évolue sur le terrain, il n'a pas besoin qu'on l'identifie systématiquement à moi. Franchement, je suis admiratif quand je vois la saison qu'il est en train d'accomplir, et cela d'autant plus qu'il est encore très jeune. Réaliser ce qu'il fait à son âge, c'est énorme !
Cela vous surprend ?
Z. Z : Alors là, pas du tout. Ça me fait plaisir. Samir m'épate même, car, je le répète, ce qu'il fait, cette saison, n'a vraiment rien d'évident. Il évolue dans un club aussi populaire et exposé médiatiquement que l'OM, mais, à chaque fois, on dirait qu'il joue comme s'il jouait un match dans son quartier ! C'est fort !
Sa prestation pour sa toute première sélection en équipe de France (le mois dernier face à l'Autriche) l'a été aussi. L'aisance avec laquelle il a pris le jeu à son compte, ce soir-là, ne vous a pas non plus étonné ?
Z. Z : Là encore non. Samir s'est, en tout cas, aperçu qu'il y a de la place pour lui en équipe de France. Maintenant, il sait ce qu'il faut faire pour s'y installer durablement. Il a déjà tout compris. Il y a ainsi une forme de respect à avoir vis-à-vis des anciens et il faut qu'il s'impose dans le jeu. C'est le type de joueur qui doit y arriver car il est très fort mentalement.
Vous reconnaissez-vous en lui, au même âge ?
Z. Z : C'est difficile à dire pour la simple et bonne raison qu'à son âge, moi je venais tout juste d'arriver aux Girondins de Bordeaux. De fait, il fallait, alors, que je joue régulièrement pour que je m'affirme. Je me souviens qu'il m'avait tout de même fallu un certain temps d'adaptation. Samir, lui, est déjà devenu un titulaire indiscutable à l'OM. Chapeau !
Vous aviez passé quatre années à Bordeaux avant de rejoindre la Juventus Turin. Alors que nombre de grands clubs européens commencent déjà à le convoiter, conseilleriez-vous à Samir Nasri d'attendre encore avant de partir à l'étranger ?
Z. Z : Il a le temps de tout faire. Pour le moment, c'est vrai, il serait judicieux qu'il continue à bien s'imposer à l'OM. Sincèrement, Samir a encore tout le temps devant lui. Mais je sais qu'il n'est pas du genre à brûler les étapes. C'est un garçon très intelligent. Il a la tête sur les épaules. De plus, son entourage familial est là pour parfaitement bien l'encadrer. Samir est guidé par la sagesse.
Titulaire à l'OM, l'équipe de France, le tout à 19 ans. Cela ne va-t-il pas trop vite pour lui ?
Z. Z : En aucun cas. Samir a largement le niveau pour qu'on puisse lui confier les responsabilités qui sont les siennes à l'OM. Quant à l'équipe de France, il a été sélectionné parce qu'il a l'envergure pour y demeurer longtemps. Il emprunte le parcours qu'il doit suivre.
Cela ne lui met-il pas trop de pression à son âge ?
Z. Z : Mais la pression fait partie du jeu et lui, il est tout à fait capable de s'en accommoder. Il lui suffira de rester bien concentré sur son métier pour ne pas se perdre en route. Je ne suis pas du tout inquiet pour lui tant il est réfléchi.
Vous avez déjà eu l'occasion de le rencontrer. Cela avait-il été suffisant pour vous faire une opinion sur lui ?
Z. Z : Je l'ai déjà rencontré à plusieurs reprises et notamment en marge d'un tournoi de jeunes organisé par l'AJNouvelle Vague à Marseille, au stade Lamartine, voici deux ans maintenant. On avait échangé des propos et déjà, ce qui m'avait frappé chez lui, c'est l'écoute qu'il accordait aux autres. Il est toujours attentif. C'est une qualité essentielle.
Le fait que Samir Nasri, natif de Marseille comme vous, évolue à l'OM, le club de votre ville, ne vous donne-t-il pas de regret aujourd'hui, vous qui n'avez jamais porté les couleurs olympiennes ?
Z. Z :
Ah, l'OM ! Je n'ai pas de regret. Si, un peu par rapport à ce maillot que j'aurais aimé, c'est vrai, porter. Mais bon, ça ne s'est pas fait. Tant pis. Jeune, j'ai rejoint le centre de formation de l'AS Cannes puis Bordeaux, c'est comme ça. Il ne faut pas revenir sur le passé. Le présent, c'est Samir, justement, et avec lui, l'OM tient un leader en puissance.
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Par Laurent Blanchard (
lblanchard@laprovence-presse.fr )