«CHEZ MOI, À TOULOUSE»
Par Aymeric MARCHAL
Tandis que les All Blacks sont en Angleterre en quête de Grand Chelem, Byron Kelleher sera lui vendredi à Bourgoin pour la 11e journée du Top 14. Le demi de mêlée toulousain est aujourd'hui loin des joutes internationales et se concentre à 100% sur sa nouvelle vie, sur son club. Il ne cache pas son bonheur de vivre et de jouer dans la ville rose, et jure qu'il ne regrette rien. Première partie de l'entretien.
Byron Kelleher était mercredi à Paris en séance de dédicaces, pour son sponsor. (L'Equipe)
Son choix de quitter la Nouvelle-Zélande «J'étais très déterminé après la Coupe du monde, pour me remettre en cause au niveau de ma vie et au niveau de mon rugby. J 'ai fait partie des All Blacks pendant dix ans, j'ai disputé trois Coupes du monde, et j'avais besoin d'autre chose. Pour la Coupe du monde en France, j'ai eu l'impression que c'était la meilleure équipe pour laquelle j'ai jamais joué. C'était la mieux préparée, on a gagné beaucoup de matches et de compétitions, mais la Coupe du monde, c'est différent et on a perdu. J'étais très déçu et j'ai décidé de tourner la page. Avant la Coupe du monde déjà, j'avais décidé que je jouerais en France après le mondial, et je n'ai négocié avec aucun club d'un autre pays.»
Pourquoi la France ?«Je voulais apprendre la langue française, la culture, le mode de vie, et j'ai pensé que c'était un challenge passionnant pour moi-même, au-delà du rugby, que de me confronter à un autre pays, à d'autres mentalités. La façon de vivre est totalement différente ici en France par rapport à la Nouvelle-Zélande, et c'est ce que je cherchais. Je voulais m'ouvrir à autre chose, tenter une expérience nouvelle dans ma vie d'homme.»
Toulouse et pas Agen«En fait, je n'avais pas vraiment signé de contrat officiel avec Agen. On était en contact, mais les médias ont dit que c'était fait. Après, mon objectif était de venir vivre en France, pas juste jouer au rugby. Mais je voulais aussi trouver un club performant, pour être le meilleur et gagner le Bouclier de Brennus et la Coupe d'Europe. Je l'avais déjà dit dans une interview en Nouvelle-Zélande avant de venir ici. Je ne suis pas venu ici en touriste. Toulouse s'est manifesté et c'est une équipe fantastique. Mais le club n'avait rien gagné en France depuis sept ans, ce qui est beaucoup pour une équipe de ce standing. Leur discours m'a plu, et le challenge était intéressant.»
L'intégration à Toulouse«Les trois premiers mois ont été très durs. J'étais seul, sans ma famille, sans mes amis, dans une ville inconnue, avec des gens qui vivent différemment de chez moi. Ce fut très dur, parfois même déprimant. Il ne faut pas oublier que la Nouvelle-Zélande est un petit pays, avec une seule culture, une seule cuisine. Donc moi j'ai quitté la vie que je connaissais depuis trente ans, pour me plonger dans un nouveau monde dans lequel je n'étais pas capable de communiquer correctement. C'est frustrant. Après trois-quatre mois, j'ai décidé de me prendre en main et de faire des efforts pour m'intégrer à la vie locale, à la communauté, après m'être intégré à l'équipe. Après avoir compris l'histoire de ce club et de cette ville, j'ai décidé de mettre à chaque fois mon coeur sur la pelouse. La manière avec laquelle j'avais défendu le maillot des All Blacks, c'est la manière avec laquelle je défendrai celui de Toulouse.»
Sa première saison«Je crois que j'ai déjà marqué l'histoire. J'ai gagné le Bouclier de Brennus, et j'ai été élu meilleur joueur de la saison, ce qui est vraiment énorme. C'est plutôt une bonne année (
rires). C'est une grande expérience de pouvoir jouer d'autres compétitions que celles que je connaissais. Dans l'esprit, le rugby est le même dans le Top 14, mais la manière de le vivre est différente. Il ne s'agit pas seulement de mettre des joueurs sur un terrain, mais il y a une vie autour, notamment avec les supporters, avant, pendant et après le match. Surtout à Toulouse où le rugby est le sport numéro un. Je suis très fier d'avoir remporté le Bouclier de Brennus mais je suis surtout très fier que tout le monde m'ait adopté à Toulouse. Maintenant, je veux rendre aux gens ce qu'ils m'ont donné. Je veux remercier tout le monde de m'avoir accueilli aussi bien. Le club, les joueurs, les supporters mais aussi les médias. Donc maintenant, il s'agit juste de rendre ce qu'on m'a donné. Je suis chez moi ici maintenant, et je sais que je vais rester ici après ma carrière.»
Son avis sur les doublons Top 14 - XV de France«Je suis très surpris par ce calendrier en France, c'est difficile. Il faut s'adapter, il y a les matches du Top 14, ceux de la Coupe d'Europe et les matches internationaux. En ce moment, les internationaux changent d'équipe et de partenaires et il faut s'adapter, c'est compliqué. A Toulouse, c'est aussi un vrai challenge parce qu'il y a des jeunes joueurs qui arrivent pour remplacer les internationaux. Il faut apprendre à jouer avec d'autres joueurs en très peu de temps. Mais d'un autre côté, je trouve ça très intéressant parce qu'il faut savoir jouer avec tout le monde, des joueurs de classes mondiales comme des jeunes qui ont besoin d'être guidés.»
Le retour de Frédéric Michalak«Tout le monde l'attendait, la pression était énorme, mais je pense qu'il a besoin de temps. Le jeu des Sharks et celui de Toulouse sont très différents, il faut qu'il réapprenne le jeu toulousain. Mais je ne suis pas inquiet, on a déjà beaucoup parlé et on a tout pour bien jouer ensemble. C'est un joueur de très grand talent.»
Le match à Bourgoin«Ce sera un match difficile. C'est une équipe jeune, mais qui est très forte à la maison, et les conditions météo devraient être compliquées. Et on sait qu'ils ont de bons buteurs et un gros pack. Donc il faudra faire attention à ne pas jouer à l'envers et à ne pas faire de fautes. On s'attend à un gros combat, mais on y va pour gagner.»
L'après-rugby«J'ai déjà commencé à m'en occuper. Je suis un homme occupé. J'ai investi depuis six ans en Nouvelle-Zélande dans des machines pour recycler le plastique. Maintenant, je me suis associé avec un ancien Springbok, Ollie Meyer, et on recycle tous les déchets plastiques liés à la Coupe du monde de foot en Afrique du Sud. On récupère tous les plastiques pour en faire des matériaux de construction pour faire des maisons aux sans-abri en Afrique du Sud. Au lieu de les brûler et de polluer, on s'en sert pour les pauvres. Et puis je suis très concerné par l'environnement. Il faut penser aux générations futures, et il faut leur laisser une planète propre. J'ai aussi créé une fondation pour les jeunes de 10 à 18 ans qui veulent avoir une opportunité dans le sport, que ce soit au rugby, au foot, au judo, à la gym.»
Le maillot Black lui manque-t-il ?«Non. Je crois que j'ai fait tout ce que j'ai pu pour ce maillot pendant dix ans, maintenant je suis passé à autre chose. Ce qui me manque sans doute, c'est de faire le haka, c'est pour ça que je l'ai fait sur le bus pour fêter le Bouclier de Brennus (
rires). Maintenant, je suis à Toulouse, je suis bien dans mes baskets, j'adore la vie à Toulouse et je veux juste faire pour Toulouse ce que j'ai fait pour les Blacks.»