Huard : « Mandanda a plus de pression »
mercredi 02 janvier 2008 - 15 h 28 - Aurélien CANOT
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PANORAMIC |
Premier de nos trois volets consacrés à Steve Mandanda et Hugo Lloris, les deux gardiens français qui montent. Gaëtan Huard évoque la progression des deux hommes et l’évolution du poste de gardien. Gaétan Huard, comment expliquez-vous la montée en puissance de jeunes gardiens comme Mandanda et Lloris ?
Depuis un bon moment, la spécificité du poste de gardien exige un entraîneur particulier. Quand on regarde la qualité des gardiens de but en France aujourd’hui, elle se rapproche très fortement de la qualité du coaching de la personne qui les gère. A 99,9%, ce sont des joueurs que l’on connaît et qui ont occupé ce poste. Quand on a la chance de travailler avec quelqu’un qui connaît le poste et qui a partagé les moments auxquels on aspire, aussi glorieux et délicats soient-ils, ça ne peut être que positif. Tout cela associé à la création du diplôme d’entraîneur de gardien, mis en place par Bruno Martini, fait que nous n’avons pas de souci de gardiens dans notre pays.
Qu’avez-vous à dire sur Steve Mandanda ?C’est quelqu’un qui jouait derrière Cédric Carrasso, quelqu’un que l’on ne connaissait pas. J’ai commencé ma carrière comme ça : j’étais derrière Francis Edouard, il s’est blessé et j’ai pris la succession. Il y a beaucoup de très bons gardiens en devenir qui ne percent pas car le gardien de devant est en poste, il ne se blesse jamais et on ne lui donne jamais sa chance.
Et sur Hugo Lloris ?
Il m’évoque la qualité et la sobriété. C’est un jeune gardien qui fait des erreurs, et c’est aussi parce qu’il est en pleine croissance et en pleine construction de son métier. Il va grandir au travers des erreurs qu’il commet. D’ailleurs pour les avoir commises aussi à son âge, je me retrouve très souvent dans les erreurs qu’il commet. Steve Mandanda connaîtra sûrement la même chose s’il continue à jouer. Car on ne peut grandir qu’au travers des exigences de la compétition et des erreurs que l’on fait.
A vous entendre, Mandanda commettrait moins d’erreurs que Lloris…C’est très cyclique. Quand on en commet, on en commet toujours une ou deux. Le gros souci de ce poste c’est que le panneau d’affichage ne pardonne pas dès qu’on fait une erreur. Moi, je me reprochais même d’encaisser les penalties. Je pense qu’ils ont tous les deux un truc très intéressant, c’est qu’ils sont bons dans tous les domaines. Maintenant il leur reste à devenir très bons dans 85% des domaines. Ils auront toujours un domaine où ils sont moins performant : un côté, une sûreté de main… Il y a toujours des choses à modifier. Aujourd’hui, quand vous faites un arrêt de hand, ça ne choque personne, de mon temps c’était choquant.
« Un bon gardien se juge sur la durée »
A vous entendre, on ne jugerait donc plus un gardien sur les mêmes critères…Aujourd’hui, le meilleur gardien n’est pas celui qui va faire des exploits pendant trois, quatre matchs, c’est celui qui sera le meilleur sur la durée. Un bon gardien se juge sur la durée et les saisons. Sachant que nous sommes très liés aussi au flux de la qualité de l’effectif. C’est un poste qui demande d’être toujours à 100%. A ce poste, le plus difficile est de confirmer. Il faut être régulier et confirmer. Un très bon gardien doit ramener entre dix et quinze points minimum chaque saison. C’est pour ça que le poste de Mandanda est plus complexe que celui de Lloris.
Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?La raison est toute simple : Marseille a beaucoup plus de pression et de besoin de résultats que ne peut en avoir Nice. Donc Mandanda a beaucoup plus de pression sur les épaules que Lloris. Ça montre la qualité et la personnalité du garçon. Dans certains clubs comme Marseille, il y a un besoin absolu d’être très fort. Il ne faut pas être seulement très fort au niveau de ses qualités techniques et physiques, mais aussi dans la tête. Un an à Marseille vaut facilement trois ans à Nice, car on y est constamment remis en cause et montré du doigt.
Comment peut-on les comparer ?
Ce sont deux gardiens qui ont des qualités énormes de solidité et de mental : ils sont bons dans tous les domaines. Dans le domaine aérien, comme au niveau de l’impact sur l’équipe, qui est très important, ainsi que dans l’assurance et la régularité. Maintenant, à 20 ou 21 ans, il y a forcément des choses qui ne sont pas parfaites. Il y a des gardiens qui vont être très bons dans l’espace aérien et qui vont sortir plus facilement, et d’autres qui vont être très bons dans les interventions. Concernant le jeu au pied, il fait partie du bagage obligatoire du gardien aujourd’hui. Presque plus qu’un joueur, un gardien doit avoir les deux pieds.
Lloris et Mandanda sont-ils deux futurs grands ?
Ce sont vraiment deux gardiens d’avenir, mais seul le temps le dira. Ils vont avoir l’un et l’autre des moments difficiles. Lloris, de par sa blessure, a déjà connu un moment où il faut être assez fort dans sa tête pour regarder l’autre jouer et peut-être flamber. Il faut arriver à le supporter, se dire que ça fait partie du jeu, se motiver et revenir encore plus fort. Je prends l’exemple Mandanda à Marseille : quand Carrasso va revenir, le coach aura un choix à faire. Mandanda doit rester comme il est, fort et solide, mais Cédric aura envie de rejouer.
« Mandanda est souvent sur les talons »Quel est le plus dur dans le travail d’un gardien de but ?
A l’entraînement, un gardien ne peut pas se cacher. Sur le spécifique, vous pouvez diminuer les séances ou faire moins de ballons sur certains exercices. En revanche, dès que vous faites les jeux, c’est comme en match : vous êtes obligé d’être à cent pour cent, sinon vous emmerdez votre équipe. Vous ne pouvez pas doser, donc il faut être constamment concentré et donner le maximum. C’est tout cet amalgame de choses qui fait que la croissance à ce poste se fait dans les moments difficiles. Les qualités intrinsèques, on les a. Au départ, il y a des qualités innées qui sont données, après il faut les travailler, les améliorer et corriger certaines choses.
Quel point(s) faible(s) voyez-vous chez Steve Mandanda ?Mandanda, comme beaucoup de gardiens black, est souvent sur les talons sur les sorties. Parce qu’on lui a appris comme ça, ça fait partie des choses qu’il fait moins bien. Mais il en fait d’autres mieux que quiconque. Dans le domaine aérien, il a plus d’agilité que Lloris. Il faut travailler beaucoup les points forts mais surtout corriger les points faibles.
Seront-ils les deux prochains n°1 et n°2 chez les Bleus ?C’est toujours la question que l’on se pose. Mais avant de parler de n°1 ou n°2 chez les Bleus, il faut déjà être n°1 indiscutable dans son club. On veut parfois aller trop vite, c’est sûr qu’il va falloir penser à la relève. Car ça arrive vite : Grégory (Coupet) va arrêter, Fabien (Barthez) a arrêté… Mais ça doit se faire en douceur. Il faut d’abord être un patron au niveau de ses clubs. Mandanda et Lloris en ont les qualités, mais il faut que ça soit répétitif.