A 28 ans et un CDI chacun, on peut s'estimer heureux. Même si la question « le travail fait-il le bonheur ? » mérite d'être posée, on se dit plutôt que le travail permet, normalement, d'avoir un appartement, non ? Après trois ans passés à Berlin, mon ami et moi sommes revenus à Paris en octobre , logés par un proche, « en attendant » qu'on trouve un appartement.
On savait tout sur la « situation du logement » à Paris. Et pourtant, on ne s'attendait pas à ça. Après deux mois de recherche et une vingtaine d'appartements visités, on a expérimenté tous les clichés sur l'immobilier. En fait, ils n'en sont pas.
Des « fiches » de renseignement à remplir dignes de la Stasi, les visites collectives où on attend deux heures dans une cage d'escalier, les pratiques douteuses de certains agents immobiliers... Et on n'a toujours pas d'appartement.
Pourtant, notre situation est confortable. En CDI, gagnant chacun environ 2 000 euros, nos parents, fonctionnaires, ont accepté de se porter garants (bien que nous soyons adultes, responsables et salariés...). Au début, tout le monde nous a dit :
« Pas de soucis, avec votre dossier, vous trouverez sans problème ! Nous, on a un dossier moins bon que le vôtre et on a trouvé. »
Chaque fois, la personne en question habite en effet dans un super appartement, dans un quartier sympa. Alors on se dit :
« Ça va aller, prenons une grande respiration et lançons-nous. »
« C'est ici la visite ? » « Non, non, on fait un “flashmob” »
On commence nos recherches par le site De particulier à particulier, qui a pour mission de mettre en relation des propriétaires tout puissants et des « candidats » mendiants. Puisqu'on trouvera sans problème, on ne va pas en plus donner 1 000 euros à un agent immobilier !
Quelques visites sans conviction, pas de coup de cœur, on laisse quand même un dossier au cas où. Mais les propriétaires de ces appartements moyens ne nous rappellent pas. Pas de panique, on vient de commencer. Un jour, on tombe sur une annonce pour un deux pièces à Ménilmontant (XXe arrondissement de Paris) qui se termine par cette phrase :
« Visite mardi et mercredi de 18 heures à 20 heures. »
J'arrive un peu en avance au rendez-vous. De loin, je repère une petite foule en espérant que ces gens ne sont pas là pour la même raison que moi. Mon espoir se dissipe rapidement et je prends place dans la queue. Assez vite, on est une cinquantaine de personnes.
La détresse se lit sur le visage de chaque nouvel arrivant.
« C'est ici la visite ?
– Non, non, on fait un “flashmob”. »
900 euros pour 27 m2, est-ce que ça vaut le coup ?
Ça nous prendra deux heures pour atteindre la porte. Ma voisine enchaîne les réflexions cyniques et sarcastiques, ce qui ne rend pas l'attente plus facile. Elle a 40 ans, est institutrice mais on lui demande quand même des garanties parentales, comme à une étudiante de 20 ans.
Mon tour arrive enfin. Je fais le tour des lieux et je prend une fiche à remplir, sans me demander à aucun moment si cela vaut vraiment le coup de payer 900 euros pour 27 m2. Il y a bien longtemps que je ne me pose plus cette question. Je sors et cherche une place sur les marches pour remplir le dossier, me frayant un chemin parmi les gens qui noircissent fébrilement leur papier :
salaire, employeur, adresse : normal ;
adresse, téléphone de l'employeur, du garant : OK ;
nom du bailleur du garant : hein ? !
Je remplis tant bien que mal et reprends ma place dans la queue pour attendre mon tour à « l'entretien » :
« Ah, c'est pour vous et votre ami ? Mais il aurait fallu que je le vois aussi, c'est embêtant.
– C'est-à-dire que, il travaille, vous savez, il ne termine pas avant 20 heures donc bon...
– Ah oui mais moi, il faut que je le voie, revenez demain, j'organise une autre visite.
– Donc je vais refaire la queue deux heures demain ?
– Non, vous passez devant les gens. »
Oui, bien sûr. Je tiens à ma vie moi. Je me vois bien arriver comme une fleur à 20 heures et passer devant les cinquante personnes à cran qui attendent depuis 18 heures...
Un appart « coup de cœur » sans salle de bain
Après plusieurs expériences de ce type et, surtout, aucune réponse positive, je me tourne vers les agences et le site SeLoger.com.
Les premières visites me rassurent. Les gens sont respectueux, vous rappellent, vous donnent des rendez-vous individuels, la plupart du temps. Sauf que les agents immobiliers sont des gens malins qui savent vendre.
C'est comme ca que j'ai visité un appartement sans salle de bain décrit comme « coup de cœur », ou bien un appartement « sur cour » avec un bout de toit jonché de détritus en guise de cour...
« Et si on n'est pas retenu, vous nous renvoyez notre chèque ? »
Puis une annonce tombe, décrivant un appartement comme « à visiter absolument » près de République. En arrivant devant l'immeuble, je repère d'emblée l'agent immobilier vêtu d'un costume gris, distribuant ses petites fiches d'un air faussement assuré. Après la visite, c'est mon tour de remplir la fiche. Pas de problème, j'ai l'habitude. Je connais maintenant par cœur le numéro de téléphone de l'employeur de mes garants.
Je rends la fiche à l'agent qui me dit, en souriant, que mon dossier ne sera complet que lorsque j'y aurai joint un chèque de 150 euros. Pardon ?
« Oui, vous comprenez, on a tellement de dossiers, c'est pour s'assurer que la personne retenue prendra vraiment l'appartement.
– Et si on est retenu et qu'on ne veut pas l'appartement ?
– Il sera débité. »
Un jeune homme à côté de moi s'inquiète un peu.
« Et si on n'est pas retenu, vous nous renvoyez notre chèque ? »
Rire de l'agent immobilier.
« Ah, mais oui, si vous voulez ! Si c'est ça qui vous inquiète, on vous le renverra votre chèque ! »
Le jeune homme rit aussi, s'excuse, se justifie.
« Ah ah, d'accord. Très bien ! »
Quand même pas très rassuré.
En rentrant chez moi, je vais faire un tour sur Internet et découvre, sur le site de la Halde, que cette pratique est illégale. Mais si les vingt personnes qui ont visité l'appartement avant moi ont accepté, aucune chance que mon dossier soit examiné sans ça...
Ah, la « Schufa » allemande...
Après deux mois, je commence à me demander quel est le problème avec notre dossier. Et quelle sera la prochaine étape que franchiront les agents immobiliers zélés et les propriétaires méfiants.
En Allemagne, les propriétaires demandent souvent aux locataires une attestation de « Schufa », qui indique si la personne a des dettes, des impayés ou des problèmes de remboursement. Je trouvais à l'époque cette pratique scandaleuse.
* Et contre ça on fait quoi ? Y'a eu une proposition pour taxer sur les chambres de bonne mais ça ne représente ptete que 5% du parc ... Jamais je louerai de ma vie