Copé comme cochon, ou la part du gâteau de Jean-François
27 Mai 2012 Par Pierre Deruelle
Mon cher Jeff, tu permettras tout d'abord, parce que je suis ton dévoué, que je te rende un hommage appuyé, à toi qui aime tant parler d'identité nationale et critiquer les étrangers, en t'appelant "mon cher Jeff". J'avais bien pensé à « mon cher Copelovici » ainsi que s'appelait ton grand-père Marcu Hirs Copelovici, avant de devenir Marcel Copé, mais c'est un patronyme que l'on pourrait confondre avec Capelovici, comme le célèbre Jacques dit Maître Capello. Or il semble qu'à bien y regarder, toi tu ne te payes point uniquement de mots.
Donc, mon cher Jeff, tu déclarais il y a peu, avec le miel d'un Michel Drucker de la pensée libérale, par un beau matin du 1er mai 2012 à propos du discours du soir du futur ex-président aujourd'hui finalement exilé en Quad au Maroc: "Ce sera le discours d'un homme d'état, responsable, qui va s'adresser à l'ensemble des français pour leur dire qu'il n'est pas de grande nation qui puisse avancer si elle n'est organisée autour de la valorisation du travail, par opposition à l'esprit d'assistanat, qui, il faut bien le dire, anime beaucoup la philosophie socialiste, mais plutôt celle de solidarité qui est la notre."
Bien que ta phrase, mon cher Jeff, soit grammaticalement claire comme de l'eau de Roche®, j'ai tout de même cherché à savoir ce que c'était ce machin qui revient aussi souvent dans ta bouche que les homosexuels dans celle de Christian Vanneste : « l'assistanat ». Pour le vrai travail, tu avais déjà expliqué, ainsi que le rapportent Sophie Coignard et Romain Gubert dans le livre “l’oligarchie des incapables” : “ Tu comprends, si on n’a ici que des gens qui se contentent de 5 000 euros par mois, on n’aura que des minables ». Et donc un vrai travail, ça j'avais pigé le truc, c'est quand tu gagnes plus de 5000€ par mois, que t'es membre du top 10 % des revenus français. Du coup je me suis retrouvé très emmerdé, ne sachant plus qui je devais classer dans la catégorie des minables ou dans celle des assistés, ou bien même dans celle des deux à la fois.
Bien sur toi, mon cher Jeff, tu n'as pas ce problème : Député de Seine-et-Marne, Maire de Meaux, Président de la Communauté d'Agglomération, patron de l'UMP et un avocat à temps partiel, tu crèves un peu le plafond des indemnités à 9 730 euros brut par mois. Mais heureusement, vu que tu gagnes quand même moins qu'un footballeur et qu'il faut bien sucrer les fraises, ton contrat d'avocat te rapporte la bagatelle d'environ 200 000 euros d'honoraires fixes par an, pour faire la médiation entre des sociétés françaises et des états étrangers. Le rayonnement à l'international, c'est là que j'ai commencé à comprendre, mon cher Copelovici, pardon, mon cher Jeff, ce que c'est qu'un vrai travail, à la différence de l'assistanat.
De ces cons qui se lèvent pour aller bosser à l'usine pour 1000€ par mois, lequel est capable de diriger une mairie le matin, une Communauté d'Agglomération le midi, une charge de député au café, l'UMP l'après-midi, un cabinet d'avocat à l'apéro, pour finalement être à l'heure pour diner le soir à l'hôtel particulier de 600m2 à 12 millions d'euros au 40 de l'avenue Georges-Mandel de ce cher Ziad Takieddine ? Une vraie course contre la Rolex, pardon contre la montre ! Et le tout sans te départir de ton sens aigu de l'esthétique, toi qui ne taris pas d'éloges - même si ça sent encore un peu le sang chaud des ivoiriens - entre les tapisseries de cette ancienne demeure de Félix Houphouët-Boigny, où tu aimes tant guincher de temps en temps avec quelques charmants exilés fiscaux du premier cercle.
Là où j'ai constaté que tu étais vraiment un type brillant, c'est quand j'ai regardé les chiffres de l'assistanat : Le RSA coute environ 3,8 milliards d'euros par an, tandis que les journalistes évaluent le montant du patrimoine des français évadé fiscalement à 600 milliards d'euros, enfin ceux qui ont enquêté sur le sujet. Et là, ça m'a sauté au visage comme une aiguille de Botox à celui de Carlita : ces 3,8 milliards de perdus dilapidés au profit des minables seraient quand même bien mieux au chaud en Suisse dans des comptes à Zurich avec leurs milliards de petits copains.
Je me suis souvenu, mon cher Jeff, de ta déclaration pendant le débat sur cette saloperie de RSA: "Il y a des gens dont on sait qu'ils sont dans une situation de précarité extrême et de désespérance, qui ont des problèmes de santé, des troubles psychologiques. Ceux-là ont besoin d'un accompagnement et de solidarité." Du Zola, ou presque, écrit avec des moufles, mais il faut dire qu'il fait froid, à Gstaad, en cette saison.
Je pense que tu devais parler de Ziad Takieddine qui semble effectivement avoir bien besoin d'accompagnement et d'assistance psychologique, lui qui crachait sur des journalistes de Canal+ il y a quelques semaines en leur ordonnant de se mettre à genoux pendant le tournage de l'émission Spécial Investigation. Heureusement, si son patrimoine est évalué par les avocats de son ex-épouse à plus de 100 millions d'euros, quand tu étais ministre du budget de novembre 2004 à mai 2007, il ne déclarait que 250 000€ de revenus par an et 0€ d'impôts. Je reconnais bien là ton sens de l'accompagnement et de la solidarité, qui ferait passer Serge Dassault pour un vulgaire trotskiste de la CGT de Corbeil-Essonnes.
Alors ça il y en a du monde qui a gloussé de t'avoir vu en photo dans la piscine de la villa à 18 millions d'euros du Cap d'Antibes de Takieddine. Mais quel ministre du Budget, mon cher Jeff, aurait la cuistrerie de s'interroger sur l'origine du patrimoine d'un ami intermédiaire en ventes d'armes, quand il t'offre des vacances tous frais payés dans son château à 3 millions d'euros au Liban ? Il faudrait être con comme un gauchiste. Ces gens là n'ont décidément pas comme nous la rigueur morale d'une caisse enregistreuse, et ne savent rien du plaisir de se baigner en slip dans l'évasion fiscale et de bronzer au frais – certes paradoxaux - du blanchiment d'argent.
Mon cher Jeff, tout ça c'est la faute des journalistes, comme tu l'as si bien dit avant la présidentielle : "Nous avons assisté à un véritable déni de démocratie, j'ai vu de mes yeux des reportages à la télé, des commentaires de journalistes qui étaient systématiquement dans le même sens." Il n'aura échappé à personne que les quatre industriels français, Bouygues, Dassault, Bolloré et Lagardère qui détiennent peu ou prou 90% de la presse française sont de vilains crypto-marxistes à la solde de l'assistanat, toujours prêts à signer des chèques à ces pousse-minables des Restos du Coeur au lieu de les envoyer bosser dans les mines d'uranium d'Areva au Niger.
Comme tu l'as si bien rappelé il y a quelques années : "La sanction c'est la meilleure des préventions." Et quand il a fallu se prononcer sur la rigueur pour tous ces assistés, heureusement que tu as mis les choses au clair, dans un élan qui ferait passer Malraux pour un éditocrate néo-stalinien de Secret Story : «D'accord, ce n'est pas ça la rigueur... Appelons ça cueillette des olives en Basse-Provence!». Je propose qu'on se garde les olives pour trinquer avec Brice à l'apéro, mon cher Jeff, et qu'on leur refile les noyaux à replanter, ce qui leur fera toujours un truc à bouffer le temps que ça pousse.
J'ai appris récemment que quand ce cher Nicolas Bazire, à l'époque n°2 de LVMH, était venu voir Ziad à propos de son ami Mr Achcar, qui se retrouvait avec une douille de 6 millions d'euros d'impôts à payer, il avait suffit d'un coup de fil à ton ministère du Budget pour que tu lui signes une petite ristourne de 4 millions. J'aime les gens sur qui on peut compter, mon cher Jeff, l'amitié ça n'a, comme dirait Eric Besson, (presque) pas de prix. Les assistés qui se foutent sur la gueule pour une boite de pâté chez Lidl, ça ils ne peuvent pas comprendre...
J'espère sincèrement, mon cher Jeff, que tu vas coller une torgnole à Fillon au prochain congrès de l'UMP. La France vraiment de droite a besoin de toi, il faut redresser le parti sur des valeurs morales blanches et chrétiennes bien blanches et bien chrétiennes entre gens pas minables, et nos gentils amis les généreux évadés fiscaux auront plus que jamais besoin de toi avec les Mendès Franco-gauchistes au pouvoir. D'ici à ce qu'ils aillent chercher des poux dans la tête de Maurice Bidermann parce qu'il est domicilié au Maroc sans payer d'impôts en France, et qu'il est inscrit sur les listes électorales à Paris et fait partie du premier Cercle des donateurs de l'UMP, il n'y aura que l'épaisseur d'une chèque de Bettencourt dans la poche d'Eric Woerth.
Je veillerai mon cher Jeff, à te faire parvenir tous les éléments que je pourrais débusquer concernant ces fraudeurs d'assistés, et plus encore si ils sont un tant soit peu bronzés d'apparence, mais pas version cabine à UV/Séguéla, plutôt bronzés d'origine façon Taubira, qui non seulement n'est pas très claire, mais en plus n'est qu'une gonzesse. Heureusement j'ai vu qu'à l'UMP tu as bien veillé à ce qu'elles ne soient pas plus de 30% à se présenter. Qui c'est qui va nous préparer la truite saumonée et laver nos slips si elles se mettent à faire de la politique, tu peux me dire ? Le France marche sur la tête !
Ah et si pour ta part, tu peux penser à moi pour ta prochaine niche fiscale, je serai comme toujours ton dévoué car je croquerai bien à l'arrivisme frico-politique moi aussi : comme toi, mon cher Jeff, anti-social, je perds mon sang-froid assez régulièrement, et ma Rolex commence à avoir des ratés en ces temps sombres où l'on ne peut même plus s'acheter un jet pour aller chercher le pain.
En attendant, je m'en vais relire ton chef-d'œuvre : « Promis, j'arrête la langue de bois » qui trône en bonne place sur ma table de chevet, à coté des albums de Carlita, de la biographie de Jean-Marie Messier, de l'intégrale de Bigard, et du numéro spécial de Challenges avec Eric Woerth en couverture sur la traque des exilés fiscaux, en méditant sur comment on pourrait en finir avec ces salauds d'assistés de pauvres qui nous empêchent de siroter tranquillement notre Single-Malt 18 ans d'âge en fumant des cubains sur le yacht « La Diva » à 4 millions d'euros blanchis de Takieddine.
Dès que j'ai la solution, promis, je te bip sur le numéro de portable de ta puce au Liechtenstein. D'ici là, porte toi bien, continue comme ça à taper sur ces millions d'inutiles, et surtout ne lâche rien : De Neuilly-sur-Seine, je t'assure qu'on suit tout ça de très près et que tu es un peu notre Master Chef du jus de cuisson du veau à la sauce aux pruneaux, et indéniablement, le roi pour couper les parts du gâteau. On se régale.
Bien à toi,
Cordialement,
Pierre Deruelle