Parmi les cinq joueurs à 0 sélection retenus par Raymond Domenech pour Lituanie - France, il est le plus jeune. Mais à 19 ans, 8 mois et 2 semaines, son registre et la qualité de ses derniers matches avec Marseille ne font pas de lui le joueur le moins susceptible de goûter à une première sélection samedi en Lituanie (Euro 2008) ou cinq jours plus tard devant l'Autriche (amical). Samir Nasri est un joueur rare par son registre, sa détermination et sa lucidité, à son âge, sur les exigences du haut niveau. Ils font de lui le deuxième joueur de la génération championne d'Europe des 17 ans 2004 (Ben Arfa, Ménez, Ducasse, El-Mourabet) à intégrer les A, après Karim Benzéma, lui aussi bizut. Mardi, dès son arrivée à Marcoussis, il a livré un témoignage limpide sur sa trajectoire, sans la moindre trace d'impatience. Peut-être car il se sent parti pour un moment avec les A.
« Samir Nasri, comment s'est déroulée votre arrivée parmi l'équipe de France A, mardi matin ? Très bien. Je suis heureux, vu la qualité de mes partenaires. Ils ont facilité mon intégration. Ça avait commencé le jour de publication de la liste, quand j'ai reçu un message de Willy Sagnol. Je ne m'y attendais pas, puisque je ne le connais pas, mais ça m'a fait plaisir.
Est-ce impressionnant ? Je vis ça de façon assez cool, même si je suis tout surpris d'être là. D'habitude, je regarde les matches de l'équipe de France à la télé. C'est le foot : tout va vite.
Est-ce vraiment une surprise ? Vu votre niveau actuel, votre nom circulait... C'est vrai, mais à 19 ans, je me voyais déjà avec les Espoirs pour jouer contre le Danemark et la Norvège. Franchement, être là avec Thuram, qui a plus de cent sélections, qui a gagné la Coupe du monde quand j'avais onze ans, qui joue au Barça... C'est une grosse surprise.
C'est l'émergence de la génération championne d'Europe des 17 ans en 2005, dont vous étiez les symboles avec Jérémy Ménez et Hatem Ben Arfa... Ce titre a permis à beaucoup d'entre nous de franchir un pallier. Il nous a médiatisés. Certains sont allés plus vite que d'autres. Au départ, Jérémy Menez était celui qui avait le plus d'avance (à seize ans, il est devenu le plus jeune pro de France avec Sochaux). Il est passé de Sochaux à Monaco, ce n'est pas le même environnement. Moi, j'ai bossé. Je ne me contente jamais de ce que j'ai. Ça s'est bien passé avec mes entraîneurs. Et puis, Marseille, c'est spécial. J'ai déjà connu quatre entraîneurs, deux présidents, deux directeurs sportifs, bientôt deux actionnaires principaux. On grandit plus vite. Hatem Ben Arfa, c'est autre chose. A Lyon, son concurrent est un joueur confirmé : Florent Malouda.
Comment expliquez-vous vos progrès cette saison ? Mon repositionnement, déjà. Je joue derrière l'attaquant, là où je me sens capable d'être le plus performant. J'ai maintenant certains repères que je n'avais pas les saisons précédentes. Et j'ai progressé physiquement. Maintenant, je peux tenir tout un match.
Quel est votre véritable poste ? Je me décris comme un joueur à caractère offensif. Derrière l'attaquant, autour de l'attaquant... J'ai joué sur les côtés en sélection de jeunes. Le numéro dix n'existe pratiquement plus. Il n'y en a pas dans la sélection Espoirs, alors ça ne me dérange pas de me décaler. Et j'ai joué numéro six avec Jean Fernandez. Seuls mes entraîneurs vous diront vraiment ce que je peux faire.
Jouer à la récupération, c'est naturel, c'était une idée de Jean Fernandez ? J'aime toucher le ballon, alors quand il me passe par dessus la tête, je redescends le chercher. C'est quelque chose qu'Albert Emon m'encourage à faire. Mais je préfère jouer devant. Je n'ai jamais discuté avec Jean Fernandez des raisons qui l'ont conduit à me faire redescendre. Il ne me l'a pas expliqué et ce n'est pas mon genre d'aller demander des explications. J'étais un peu frustré, surtout que je ne jouais pas toujours. Mais avec le recul, ça m'a rendu plus mature.
Savez-vous comment Raymond Domenech envisage de vous utiliser ? Non, on s'est seulement croisé pendant le repas. Et je ne sais pas dans quel système l'équipe va évoluer.
Pensez-vous jouer samedi ? Il y a beaucoup de blessés... Je pense que c'est tôt. Je suis à la disposition de l'équipe. Il y a une hiérarchie, mais je dois respecter les anciens. Je sais que le sélectionneur a déclaré qu'on n'était pas des faire-valoir. C'est super d'être dans le groupe. Tout le monde ne sera pas sur la feuille de match (cinq noms seront rayés).
La comparaison avec Zidane est tentante mais elle vous agace, paraît-il... Oui, c'est beaucoup de pression pour un joueur, et surtout, ça ne sert à rien. Quand on est jeune, on est forcément irrégulier. Ça a commencé quand j'ai débuté à l'OM à 17 ans. Ça va continuer. Mais il n'y a qu'un seul Zidane. D'ailleurs, il avait été comparé à Platini à son arrivée à la Juventus et ça lui avait fait défaut. Quand les gens ont compris qu'il était différent, il a commencé à s'exprimer.
L'Euro 2008 est devenu votre objectif ? Oh là... Non, c'est trop tôt. Je peux me blesser, on ne sait jamais ce qui va arriver.»