La ministre du logement, Cécile Duflot, a annoncé lundi 4 juin un décret pour bloquer les loyers à la relocation, qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine. Dans un appel à témoignages, les internautes du Monde.fr font part des conséquences de la hausse de leur loyer sur leur budget.
"Paris est une ville-musée", par Guillaume, Paris
Quand j'ai décroché mon premier emploi sur Paris, jeune actif pétri d'illusions que j'étais, je me suis trouvé un studio de 22 m2 dans un quartier populaire de Paris, pas cher, à 580 euros par mois, soit près de 45 % de mon salaire. C'était un choix. Celui d'habiter Paris, de ne pas passer quatre heures par jour dans les transports en commun, de pouvoir retrouver les amis en un coup de métro. C'était aussi le choix de se serrer la ceinture le temps que le salaire commence à suivre.
C'était il y a cinq ans. Depuis, le salaire a suivi. Ce pourrait être une bonne nouvelle, sauf que les loyers aussi ont suivi. Aujourd'hui, le mien avoisine les 650 euros pour le même appartement. Et il n'est pas cher : si je décidais de changer pour un peu plus grand dans mon quartier, la facture se monterait aux alentours de 800 euros par mois. Conclusion, 150 € de plus pour 5 m2 de plus, ça fait cher.
Donc je reste dans mon studio, malgré le dégât des eaux que mon propriétaire refuse de réparer - "pour le prix que vous payez, vous pouvez vous en contenter" - et l'isolation des fenêtres qui laisse à désirer. Paris est une ville-musée.
"C'est la double peine pour les locataires", par Jérome M., Paris
Comme chaque année, mon loyer a été augmenté au maximum permis par la loi, soit 22 euros de plus cette année. Je paye désormais 1 050 euros pour un deux-pièces vétuste de 40 m2 dans un quartier populaire de l'est parisien. Le bailleur est un retraité multipropriétaire qui de toute façon pressurisera au maximum ses locataires sans faire la moindre rénovation, tant que la loi l'y autorise. Aucune justification à cela, si ce n'est la cupidité.
La nouvelle loi évitera seulement les abus lors des relocations, mais ne changera rien pour endiguer la paupérisation qui touche les autres locataires. Le drame est que l'indice de revalorisation des loyers est indexé sur l'indice des prix à la consommation, alors que les salaires stagnent. Ainsi c'est donc la double peine pour les locataires : augmentation des prix et augmentation de loyers sans augmentation des salaires. Les locataires du parc privé comme moi sont pris au piège ; nous subissons ces augmentations sans la moindre échappatoire, tant les prix à l'achat sont devenus inaccessibles y compris dans les quartiers les plus populaires de la capitale.
"Nous vivons cette hausse comme du racket", par Fabrice, Caen
Mon propriétaire a appliqué la hausse du loyer au maximum légal et nous vivons cela comme du racket. En effet, le logement a été construit dans les années 1970 et aucuns travaux n'a été effectué depuis par le propriétaire. Vous imaginez bien que pas mal de choses manquent pour en faire un logement répondant au critères actuels et que beaucoup de choses ont vieilli en presque quarante ans : pas de double vitrage, chauffage régulé à l'échelle de l'immeuble (sans compter que les réglages au niveau de l'appartement sont pratiquement impossibles en raison du vieillissement des robinets de chauffage), sols d'origine en mauvais état, pas de volets aux fenêtres des chambres... Et tout cela pour un loyer de presque 800 euros dans la ville de Caen pour un logement de 70 m2.
Cela devient pratiquement aussi cher de louer un appartement pourri que d'acheter ou faire construire une maison neuve avec un jardin... Cherchez l'erreur ! Quand nous avons sollicité l'agence immobilière afin qu'elle fasse part de notre mécontentement au propriétaire, la réponse a été très claire : le propriétaire est dans son droit. Et quand nous avons demandé la remise en état de l'appartement, on nous a répondu que "le propriétaire ne veut pas faire de frais, car il ne veut pas que cet appartement lui coûte de l'argent mais plutôt qu'il lui en rapporte". Bref, nous avons décidé de faire construire une maison de 100 m2 à dix minutes de l'agglomération, qui nous coutera 100 euros de plus par mois et dans laquelle on vivra bien mieux.
"C'est gagnant-gagnant", par Gabriel G., Nantes
Locataire depuis huit ans d'un appartement T3 (65 m² environ) dans l'hyper-centre de Nantes, je paie un loyer de 617 euros par mois, eau et charges comprises. Dès ma prise de bail, ma propriétaire m'avait indiqué qu'elle n'appliquerait pas les hausses annuelles axées sur les taux Insee et elle a tenu parole ! Du coup, mon loyer n'a pas bougé d'un centime depuis mon arrivée en 2004, alors même que des travaux non négligeables ont été réalisés (changement des huisseries).
S'il y avait eu application de l'augmentation légale, je paierais à ce jour environ 120 euros de plus par mois (soit environ 740 euros). Conséquence : je reste un locataire fidèle et n'envisage absolument pas de déménager à court terme, tant mon loyer est devenu faible au regard des pratiques de mon quartier, dans lequel il faut compter 750 à 800 euros par mois pour un bien équivalent. Quant à ma propriétaire, elle est contente d'avoir un locataire stable et ne posant pas de problème. C'est gagnant-gagnant !
"Sans garants, trouver un logement en région parisienne est une tâche bien compliquée", par Tidjani Al. T., Paris
Parti pour des raisons professionnelles aux Etats-Unis depuis maintenant trois ans, je prépare maintenant mon retour dans ce pays qui m'est cher, berceau de mon enfance, la France. Or, ce cher pays ne l'est pas qu'au sens figuré du terme. Il y a cinq ans, je louais un studio de 20 m2 dans le 10e arrondissement de Paris - appartement que j'avais pu obtenir uniquement par le fait que je connaissais le propriétaire. Car sans garants (parents au smic oblige), trouver un logement en région parisienne est une tâche bien compliquée, même avec un salaire décent. A l'époque je m'acquittais de 550 euros par mois, ce qui correspondait aux prix du marché. Maintenant, quand je regarde les annonces, je m'aperçois que les prix ont flambé (pour le même appartement, c'est désormais 675 euros par mois), et ce, même en banlieue.
J'angoisse à l'idée de ne pas retrouver d'appartement, faute d'un dossier suffisamment alléchant pour ces seigneurs les agents immobiliers. Retourner vivre chez mes parents dans la HLM où j'ai grandi m'apparaît comme un échec. Les problèmes de logement ne sont pas seulement liés aux prix de la location, mais également aux agences, qui demandent des garanties hors normes.
"Nous avons décidé d'acheter", par Marie-M., province
Je vis dans une ville de province, où les loyers sont beaucoup moins élevés qu'en région parisienne. Mais cela n'empêche pas les hausses abusives. En janvier 2011, nous avons emménagé dans un T3 de 65 m2 pour un loyer de 625 euros, dont 40 euros de charges. L'appartement avait subi un dégât des eaux dans la cuisine (infiltration d'eau), du temps des précédents locataires. L'agence nous avait assuré que les travaux seraient faits avant notre emménagement.
Aujourd'hui, ils n'ont toujours pas été faits, malgré mes courriers recommandés. Et en janvier 2012, surprise ! Le loyer et les charges sont tous les deux relevés de 10 euros, et ce, sans justification, puisque cette hausse mécanique est permise par la loi. Résultat : nous avons décidé d'acheter ; nous déménageons dans deux mois. Les mensualités seront un peu plus élevées que le loyer, mais au moins elles n'augmenteront pas au fil des années ! Et c'est un investissement pour l'avenir et pour nos enfants.
"J'ai quitté la France", par Sébastien, Abu Dhabi
Je suis arrivé à Paris en septembre 1999. Après avoir occupé une chambre d'étudiant en foyer pour un loyer de 2 000 francs par mois, soit approximativement 300 euros, j'ai rapidement commencé à travailler. Si je pouvais encore vivre au début des années 2000 sur Paris avec des loyers aux alentours de 500 euros pour 16 m2, en revanche, vers 2006, il fallait compter 600 euros, pour un deux pièces d'environ 35 m2... à Montreuil.
En 2009, à près de 30 ans et à nouveau célibataire, je voyais le moindre studio de 20 m2 sur Paris osciller entre 700 et 900 euros mois, ce que je ne pouvais pas me permettre, puisque je ne gagnais pas le triple du loyer souvent exigé. En 2010, j'ai quitté la France pour un meilleur salaire à l'étranger et appartement de 70 m2 en plein centre-ville, refait à neuf, lumineux, avec parking et un entretien quotidien des parties communes.