Olympique de Marseille : sous le foot, le businessPar Benoît Gilles | Journaliste | 04/09/2008 | 16H15 pour rue89
Orphelin du moindre titre sportif depuis quinze ans, l’OM reste une marque très rentable pour son propriétaire, l’homme d’affaires Robert Louis-Dreyfus. Chaque fin d’été, à la reprise du championnat, les maillots olympiens font leur retour sur le dos des Marseillais, sans considération d’âge ni de sexe.
Les boutiques de l’OM, au stade Vélodrome et sur la Canebière, ne désemplissent pas, largement plus fréquentées que Notre-Dame de la Garde. Un touriste qui visite Marseille ne peut faire l’impasse sur le club en bleu et blanc.
S’il a peu de chance d’assister à un match, il repartira sans doute avec une bouteille de vin (24€), un bijou (chevalière OM : 300€), ou, s’il est peu argenté, avec un objet de décoration (tapis de souris : 9€), une canette de bière (1,40€) ou du savon (5,40€).
Quarante millions d’euros de produits dérivésTous ces articles sont bien entendus siglés aux couleurs du club qui compte plus de sept cents références au rayon produits dérivés. L’ensemble de ces produits génèrent plus de quarante millions de chiffre d’affaires. Pour Philippe Piola, directeur des masters à l’école de commerce Euromed Marseille et ancien du club, il s’agit là d’une stratégie saine :
« Quand vous êtes à la tête d’un club de sports, l’essentiel est d’avoir une équipe performante. Donc, il faut dégager des marges brutes sans augmenter à l’infini le chiffre d’affaires et la masse salariale. C’est pour cette raison que l’OM, sous l’influence de son ancien président Christophe Bouchet, a externalisé la plupart de ces services de merchandising pour ne gérer plus qu’une marque qu’elle vend sous licence. »
La gestion des boutiques et la vente en ligne ont été confiées à la société Made in Sport qui a longtemps appartenu au groupe Pinault-Printemps-La Redoute, avant que François Pinault (lui-même propriétaire du club de Rennes) ne revende le groupe Printemps à une société italienne.
Made in Sport gère également les boutiques de l’Olympique Lyonnais, du PSG et de Saint Etienne et les ventes en ligne de ces clubs. Mais contrairement à ses adversaires en ligue 1, l’OM ne souhaite pas se limiter à l’Hexagone et cherche à se déployer à l’international avec l’ouverture d’une boutique à Alger en juillet et d’autres promises au Maghreb et en Afrique dans un proche avenir.
Le maillot, la vache à lait du clubL’article le plus rentable de ce merchandising reste le maillot officiel de l’équipe (75€) vendu à plus de 360 000 exemplaires. Loin, très loin devant Lyon (200 000) ou le PSG (80 000).
Pour assurer les ventes, le club olympien a mis sur pied une gamme complète renouvelée chaque année. Le maillot des matchs à domicile, le maillot extérieur et le ״third״ qui permet de décliner la marque à la façon des clubs anglais et en faisant fi des couleurs historiques du club et de la ville. Guillaume est abonné au virage nord depuis dix ans. Sans illusion sur le football moderne, il déplore cette valse des maillots :
« Cela a commencé en 1998 avec le maillot or qui était censé célébrer le centenaire du club. Mais l’année suivante, ils sortaient un maillot noir, puis un maillot lavande et l’an dernier, c’était le maillot rayé façon Argentine. Moi, ça va, je comprends que le foot sert à faire de l’argent. Mais, pour mon père, c’est un crime de lèse-majesté : la tenue de l’OM, c’est maillot blanc et chaussettes bleues. Point. »
Pour doper les ventes, le club et son équipementier Adidas suivent la mode avec précision, et souvent avec succès. Le maillot orange fluo de la saison 2007/2008 a fait un vrai carton. Et ils comptent bien renouveler ce succès cette saison avec le maillot à losanges façon chaussettes Burlington lancé dès la fin de la saison passée. Le maillot n’est pas qu’un produit, il est aussi un support efficace de sponsoring.
D’Endemol au football On a beaucoup glosé sur les mésaventures de Robert Louis-Dreyfus, présenté comme le grand perdant du club avec un investissement énorme en onze ans et aucun titre gagné. Sauf que ce n’est pas dans la quête d’un titre sportif que RLD s’investit le plus.
Depuis 1997, l’homme d’affaire est l’actionnaire principal du club. Jusqu’en 2001, il cumule cette fonction avec celle de patron d’Adidas, équipementier du club depuis vingt-cinq ans. Chaque maillot vendu a donc une retombée positive pour les deux sociétés.
Quand il vend Adidas, il place ses billes dans le monde de la téléphonie en rachetant Neuf Télécom en 2002. La société à peine connue devient le sponsor maillot de l’OM en 2003 et la marque développe une vraie notoriété à partir de là.
Quand RLD cède sa société à SFR en 2007, il investit dans l’électricité, via la société Direct Energie, qui devient le deuxième sponsor maillot en 2008. Derrière cette société, on trouve Louis-Dreyfus, Alain Minc -décidément partout- mais aussi Stéphane Courbit, ancien patron d’Endemol France et nouveau cador des affaires.
Du sponsoring maillot au pari en ligne Or, Stéphane Courbit n’a pas investi que dans l’énergie. Il a aussi racheté la société de pari en ligne Betclic en 2007. Dans le viseur de l’homme d’affaires, la fin du monopole de la Française des jeux et l’explosion prévisible des paris sur les matchs de foot. Or, il se murmure que Betclic pourrait devenir le futur sponsor maillot de la saison 2009. Pour Philippe Piola, l’avenir est là :
« Le sponsoring maillot est encore sous-évalué en France. Entre la télé, les unes de journaux, les photos dans la presse locale, et les gens qui achètent le maillot, la surface est énorme. Cela va vraiment exploser avec l’arrivée sur le marché des sites de paris en ligne. Ailleurs en Europe, ce sont eux qui tirent le marché vers le haut. »
Pour l’heure, toujours selon les chiffres du club, pour la saison 2005/2006, l’OM a offert à son sponsor l’équivalent de cinq heures de visibilité télévisuelle, c’est-à-dire plus de vingt-quatre millions d’euros en équivalent spots publicitaires. Et les chiffres seront démultipliés avec la qualification en ligue des champions.
L’OM est le support publicitaire de rêve. On en parle qu’il gagne ou qu’il perde. Les supporteurs achètent des maillots et servent d’hommes-sandwiches aux marques. Bientôt, ils pourront parier en ligne sur leur équipe préférée et enrichir encore leur futur sponsor. Et un titre sportif dans tout ça ? Ce ne serait qu’une jolie cerise sur un gâteau désormais bien garni.