RUSSIE - GÉORGIE • Après le blocus, la guerre ?
Avec l'affaire des espions russes arrêtés à Tbilissi, la crise des relations russo-géorgiennes s'intensifie et risque de basculer vers l'engagement militaire. Moscou renforce les sanctions économiques contre le régime du président géorgien Saakachvili, lequel compte forcer les Européens et les Américains à l'aider à tenir tête au Kremlin.
Le chef de l'OSCE Karel De Gucht et le président géorgien Mikhaïl Saakachvili
AFP
Plus aucunes liaisons aériennes, routières, maritimes ni ferroviaires. Plus de liaisons postales, plus de transferts de fonds. Sous la houlette du président Vladimir Poutine, le Conseil de sécurité de Russie a pris des mesures draconiennes contre la Géorgie, entrées en vigueur le mardi 3 octobre 2006, à la suite de l'aggravation de la crise entre les deux pays après l'arrestation de quatre officiers russes du renseignement militaire, le 27 septembre dernier. Le président Poutine a accusé la Géorgie de "terrorisme d'Etat avec prise d'otages", rapporte Civil Georgia.
"La Géorgie a relâché les quatre militaires dans le cadre d'un accord avec l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE) conclu le 2 octobre et mettant fin à quatre jours d'un scandale d'espionnage avec la Russie", note ce site d'information géorgien. Outre l'OSCE, dont le président actuel, le ministre des Affaires étrangères belge Karel De Gucht, a rencontré le président géorgien Mikhaïl Saakachvili à Tbilissi, l'UE et les Etats-Unis se sont impliqués dans le dossier pour tenter d'apaiser le scandale. "Mais les tensions demeurent", constate Civil Georgia.
Le président Saakachvili s'est montré déterminé en soulignant qu'"il s'agit d'un cas très solide d'espionnage et de subversion pour tenter de déstabiliser la Géorgie. Un cas documenté, qui comprend toutes les preuves légales, dont certaines ont été vues à la télévision dans le monde entier, et des documents supplémentaires que nous transmettons à l'OSCE", rapporte Civil Georgia.
Dans la presse russe, l'affaire fait la une des journaux, qui perçoivent dans leur ensemble un glissement des tensions russo-géorgiennes vers un conflit armé. Dans Ejenedelny Journal, Alexandre Goltz considère qu'après "l'évacuation démonstrative des diplomates russes de Tbilissi, le rappel de l'ambassadeur de Russie en Géorgie, l'arrêt des attributions de visas russes à des Géorgiens, la menace de déportation massive de citoyens géorgiens de Russie, les manœuvres de la Flotte de la mer Noire, puis l'interruption de toute communication avec un Etat hostile, il ne reste plus que la guerre".
Dans Gazeta.ru, Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique globale, estime que la situation actuelle sort du cadre des simples mauvaises relations entre les deux pays et "s'inscrit dans le contexte international de la question du Kosovo", débattue actuellement entre Européens et Américains. "Tout ce qui se passe dans les Balkans influe directement sur la situation en Géorgie", estime Loukianov. En cas d'indépendance du Kosovo, à laquelle la Russie est défavorable, Moscou se servirait toutefois de ce modèle pour traiter les cas de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.
Mais les journaux russes insistent sur l'attitude provocatrice de la Géorgie et de son président. "Il est parfaitement clair que l'histoire de l'arrestation des officiers militaires russes est une provocation stupide et à usage de politique intérieure", commente Alexandre Goltz dans Ejenedelny Journal. "Saakachvili étant dans l'incapacité de régler la question des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, soutenues par Moscou, il a besoin de l'image du puissant ennemi coupable de tous les maux. Mieux encore, il a besoin de rabaisser ouvertement cet ennemi."
Dans une contribution éditoriale aux Izvestia, Alexandre Douguine, directeur du Centre d'expertise géopolitique, déclare que "la Géorgie et ses soutiens américains veulent pousser la Russie vers un conflit inévitable". Les dernières décisions politiques du régime géorgien signifient que "Saakachvili a besoin d'une guerre. Et c'est pour cette raison qu'il faut faire tout notre possible pour l'éviter. Ce dont ont besoin les Américains et leurs marionnettes, nous n'en avons absolument pas besoin."
Loukianov partage cette analyse dans Gazeta.ru. "Aussi cynique que cela puisse paraître, l'issue optimale pour la Géorgie serait une action de force de la Russie." Tbilissi obtiendrait le soutien de la communauté internationale et accélérerait son entrée dans l'OTAN. Reste que "les mesures du blocus non militaires mais extrêmement sévères de Moscou arrangent également la Géorgie". L'auteur remarque "l'habileté" de Tbilissi qui, "après avoir arrêté des Russes, s'est déchargé de toute responsabilité ultérieure en les remettant à l'OSCE".
Dans les pages éditoriales de Kommersant, Cory Welt, vice-directeur du programme 'Russie et Eurasie' au Centre de recherche internationale et stratégique (CSIS) de Washington, note qu'"il reste encore une longue étape à franchir avant que la Géorgie puisse prétendre à une garantie de sécurité totale de la part des Etats-Unis et de l'Union européenne. Il y a le risque qu'elle ne réussisse pas à remplir cet objectif". Or "Tbilissi a décidé d'agir résolument sans retenue diplomatique". "Que cela plaise ou non, la Géorgie ne peut se passer de la Russie pour résoudre les conflits qui l'entourent", estime cet expert américain qui plaide pour que "Tbilissi travaille à consolider ses réussites et non à les utiliser dans des jeux inutiles".
http://www.courrierinternational.com
Avec l'affaire des espions russes arrêtés à Tbilissi, la crise des relations russo-géorgiennes s'intensifie et risque de basculer vers l'engagement militaire. Moscou renforce les sanctions économiques contre le régime du président géorgien Saakachvili, lequel compte forcer les Européens et les Américains à l'aider à tenir tête au Kremlin.
Le chef de l'OSCE Karel De Gucht et le président géorgien Mikhaïl Saakachvili
AFP
Plus aucunes liaisons aériennes, routières, maritimes ni ferroviaires. Plus de liaisons postales, plus de transferts de fonds. Sous la houlette du président Vladimir Poutine, le Conseil de sécurité de Russie a pris des mesures draconiennes contre la Géorgie, entrées en vigueur le mardi 3 octobre 2006, à la suite de l'aggravation de la crise entre les deux pays après l'arrestation de quatre officiers russes du renseignement militaire, le 27 septembre dernier. Le président Poutine a accusé la Géorgie de "terrorisme d'Etat avec prise d'otages", rapporte Civil Georgia.
"La Géorgie a relâché les quatre militaires dans le cadre d'un accord avec l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE) conclu le 2 octobre et mettant fin à quatre jours d'un scandale d'espionnage avec la Russie", note ce site d'information géorgien. Outre l'OSCE, dont le président actuel, le ministre des Affaires étrangères belge Karel De Gucht, a rencontré le président géorgien Mikhaïl Saakachvili à Tbilissi, l'UE et les Etats-Unis se sont impliqués dans le dossier pour tenter d'apaiser le scandale. "Mais les tensions demeurent", constate Civil Georgia.
Le président Saakachvili s'est montré déterminé en soulignant qu'"il s'agit d'un cas très solide d'espionnage et de subversion pour tenter de déstabiliser la Géorgie. Un cas documenté, qui comprend toutes les preuves légales, dont certaines ont été vues à la télévision dans le monde entier, et des documents supplémentaires que nous transmettons à l'OSCE", rapporte Civil Georgia.
Dans la presse russe, l'affaire fait la une des journaux, qui perçoivent dans leur ensemble un glissement des tensions russo-géorgiennes vers un conflit armé. Dans Ejenedelny Journal, Alexandre Goltz considère qu'après "l'évacuation démonstrative des diplomates russes de Tbilissi, le rappel de l'ambassadeur de Russie en Géorgie, l'arrêt des attributions de visas russes à des Géorgiens, la menace de déportation massive de citoyens géorgiens de Russie, les manœuvres de la Flotte de la mer Noire, puis l'interruption de toute communication avec un Etat hostile, il ne reste plus que la guerre".
Dans Gazeta.ru, Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique globale, estime que la situation actuelle sort du cadre des simples mauvaises relations entre les deux pays et "s'inscrit dans le contexte international de la question du Kosovo", débattue actuellement entre Européens et Américains. "Tout ce qui se passe dans les Balkans influe directement sur la situation en Géorgie", estime Loukianov. En cas d'indépendance du Kosovo, à laquelle la Russie est défavorable, Moscou se servirait toutefois de ce modèle pour traiter les cas de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.
Mais les journaux russes insistent sur l'attitude provocatrice de la Géorgie et de son président. "Il est parfaitement clair que l'histoire de l'arrestation des officiers militaires russes est une provocation stupide et à usage de politique intérieure", commente Alexandre Goltz dans Ejenedelny Journal. "Saakachvili étant dans l'incapacité de régler la question des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, soutenues par Moscou, il a besoin de l'image du puissant ennemi coupable de tous les maux. Mieux encore, il a besoin de rabaisser ouvertement cet ennemi."
Dans une contribution éditoriale aux Izvestia, Alexandre Douguine, directeur du Centre d'expertise géopolitique, déclare que "la Géorgie et ses soutiens américains veulent pousser la Russie vers un conflit inévitable". Les dernières décisions politiques du régime géorgien signifient que "Saakachvili a besoin d'une guerre. Et c'est pour cette raison qu'il faut faire tout notre possible pour l'éviter. Ce dont ont besoin les Américains et leurs marionnettes, nous n'en avons absolument pas besoin."
Loukianov partage cette analyse dans Gazeta.ru. "Aussi cynique que cela puisse paraître, l'issue optimale pour la Géorgie serait une action de force de la Russie." Tbilissi obtiendrait le soutien de la communauté internationale et accélérerait son entrée dans l'OTAN. Reste que "les mesures du blocus non militaires mais extrêmement sévères de Moscou arrangent également la Géorgie". L'auteur remarque "l'habileté" de Tbilissi qui, "après avoir arrêté des Russes, s'est déchargé de toute responsabilité ultérieure en les remettant à l'OSCE".
Dans les pages éditoriales de Kommersant, Cory Welt, vice-directeur du programme 'Russie et Eurasie' au Centre de recherche internationale et stratégique (CSIS) de Washington, note qu'"il reste encore une longue étape à franchir avant que la Géorgie puisse prétendre à une garantie de sécurité totale de la part des Etats-Unis et de l'Union européenne. Il y a le risque qu'elle ne réussisse pas à remplir cet objectif". Or "Tbilissi a décidé d'agir résolument sans retenue diplomatique". "Que cela plaise ou non, la Géorgie ne peut se passer de la Russie pour résoudre les conflits qui l'entourent", estime cet expert américain qui plaide pour que "Tbilissi travaille à consolider ses réussites et non à les utiliser dans des jeux inutiles".
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