FRANCE • Zidane rate les dix dernières minutes de sa carrière
La Coupe du monde ressemblait à un rêve pour Zinedine Zidane, qui, pour son dernier match officiel, disputait le titre mondial face à l'Italie. Mais cette rencontre a pris des allures de cauchemar après son expulsion à la 109e minute et le titre perdu par la France lors de la séance de tirs au but.
L'homme est devenu, en l'espace de quelques secondes, le casse-tête de la presse mondiale. Nombreux sont les journaux qui avaient prévu de consacrer plusieurs pages au dernier match de Zinedine Zidane, voire un cahier ou un numéro spécial. Mais l'expulsion du joueur français à la 109e minute de la finale contre l'Italie est venue compliquer leurs plans. "Après d'ardues délibérations, nous avons décidé de faire la une avec Zidane, qui est comme il est", explique ainsi le quotidien argentin Olé, qui titre "Dieu et le diable ont pris leur retraite".
Le quotidien justifie ce choix éditorial "non conventionnel" au lendemain d'une finale de Coupe du monde par le fait que "Zidane a offert le moment magique qui a fait que ce Mondial vaille la peine. (…) Zidane a donné à ceux qui aiment le football un bijou, un geste de rêve, qui incarne le plus fidèlement la qualité, à la limite de la morgue, de la supériorité qui octroie une confiance proche de l'humiliation. Quand on choisit de faire un lobe sur un penalty dans une finale de Coupe du monde, on joue avec le feu : soit on est Dieu, soit on est le diable. Et là, il était Dieu".
Cette "déification" du roi Zizou s'est produite au début de la rencontre, dès la 7e minute, lorsque la France a obtenu un penalty. Zinedine Zidane choisit alors de le transformer à la manière d'Antonin Panenka, un joueur tchécoslovaque resté dans l'histoire du football en raison de son lobe réussi sur le gardien allemand Sepp Maier lors de la finale du Championnat d'Europe de 1976. "Son chant du cygne a été extraordinaire", juge le quotidien britannique The Times. "Ce joueur âgé de 34 ans, qui avait déjà fait ses adieux au Real Madrid, a marqué à la 7e minute un but pour la France avec une nonchalance qui frôlait l'arrogance." Avec ce geste, Zidane mettait définitivement le monde du football à ses pieds.
Sa carrière devait pourtant se terminer sur une tout autre note. "Le football est cruel et injuste. Zidane aurait pu prendre sa retraite avec le statut d'une étoile. Mais il est parti par une porte dérobée en pleurant", explique le quotidien espagnol Sport. "Une fois de plus, ses nerfs l'ont lâché. Quand les forces s'épuisent, le cerveau flanche et l'homme se transforme en être irresponsable. En pleine prolongation et à dix minutes d'une gloire possible, Zidane a agressé Materazzi. (…) Il aurait pu avoir la Coupe dans la poche et s'offrir un au revoir historique. Mais il a terminé en pleurant, seul dans les vestiaires, sans même aller chercher sa médaille de finaliste, avec une tache qui salit sa fin de carrière. Ceux qui aiment le football auraient aimé voir une autre fin, mais les grands joueurs ne doivent pas l'être seulement avec leurs pieds, mais aussi avec leur tête".
La cruauté de ce destin est soulignée par de nombreux journaux, qui, loin d'excuser Zidane pour son geste, se demandent tout de même ce que Materazzi a bien pu dire ou faire pour déclencher un tel courroux. "Les footballeurs respectent généralement la loi de l'omerta dans un tel contexte et, comme Zidane se montrait déjà peu loquace dans de meilleures situations, il est probable que nous ne saurons jamais avec certitude ce que Materazzi a fait ou dit pour provoquer l'un des gestes de représailles qui ont marqué ce match peu brillant. Quelle que soit la raison, après 108 matchs sous le maillot national et 31 buts inscrits pour la France, il était triste de voir ce grand homme quitter la pelouse, et le football, d'une manière aussi peu satisfaisante", explique The Guardian.
L'impact de cette expulsion est tel que la fin de la rencontre et la séance de penaltys gagnée par les Italiens ne trouvent qu'une place réduite dans les comptes rendus de match. Grâce à ce quatrième titre mondial, l'Italie marche désormais sur les talons du Brésil, qui en a déjà gagné cinq. "Sa victoire sera toujours éclipsée par le drame vécu par le capitaine français, qui jouait là son dernier match", écrit le quotidien australien The Age. "Cela devait être pour Zidane le couronnement d'une carrière qui lui permet d'être cité aux côtés de Pelé, Diego Maradona, Johan Cruyff et Franz Beckenbauer. Sa réponse à ce qui semble avoir été une provocation de Materazzi garantit que son nom, à défaut de ses actes, restera pour toujours dans les mémoires pour son dernier match, le plus important". Et Zidane restera même dans l'histoire officielle de ce tournoi puisque la Fédération internationale de football a choisi de lui décerner, malgré son expulsion, le titre de meilleur joueur de cette Coupe du monde. Une dernière récompense qui vient clore un palmarès exceptionnel.
Revue de presse internationale réalisée par Courrier International.